Je vous livre un texte qui évoque la fin de mon histoire-qui-n’a-jamais-eu-lieu-comme-toutes-les-autres avec Sophie. Ensuite, je passerais peut-être à autre chose. Ou peut-être pas.
Plusieurs mois ont passés, moi tentant toujours de la voir, et elle aussi. Nous continuions de nous croiser en nous ignorant et en nous implorant du regard à la fois. Ma position était je crois la plus difficile car Sophie, elle, avait un copain. J'étais d'ailleurs surpris qu'elle continue sa relation avec lui comme si de rien n'était car même si j'avais du mal à croire en mes chances avec elle, il était tout de même clair que je ne lui étais pas indifférent. Je crois qu'elle avait peur de tout perdre d'un coup si elle allait vers moi. Enfin peut-être... enfin je n'en suis pas sûr...
Pendant quelques mois les choses furent très dures pour moi. Vraiment très dures. Les 5 premiers mois de l'année 2000 resteront parmi les plus durs que j'ai vécu. Je m'enfonçais de plus en plus dans cet amour qui était chaque jour un peu plus une impasse, je ne savais plus quoi faire, je ne trouvais personne à qui en parler pour me soulager un peu de mes émotions qui parfois me débordaient complètement. C'est un souvenir que je garderai longtemps.
Puis l'année scolaire s'est terminée en juin et nous sommes partis tous en stage pour ne revenir qu'en janvier 2001. C'est alors que j'ai rencontré celui qui allait être mon seul ami de cette école. Et rapidement je me suis senti suffisamment en confiance pour lui parler de Sophie. D. est alors devenu mon confident, mais plus que cela, il m'a aussi permi de remonter la pente, de retrouver un esprit si ce n'est optimiste, au moins constructif. Il connaissait assez bien Sophie et lui a parlé à quelques reprises de moi. Son verdict était sans appel: j'intéressais Sophie, je l'intéressais beaucoup même. Petit à petit j'ai revu un peu d'espoir et je me suis réouvert un peu à mon entourage.
Mais c'est Sophie qui a en fait entrepris la première vraie démarche pour briser la glace entre nous. D'une façon très simple. Nous étions en salle de documentation et je travaillais avec un ... euh ... un ... collègue quoi sur un dossier que nous devions préparer, quand elle s'est approchée, à fait la bise à ce collègue qu'elle connaissait assez bien, et m'a fait la bise à moi aussi (c'était la première fois évidemment et nous n'avions même presque jamais échangé un mot, en tout cas pas une vraie discussion). Je fus très surpris de son geste (et heureux bien sûr) et elle semblait tout à coup joyeuse, un grand sourire se dessina sur son visage, elle parlait un peu vite aussi. Enfin bref, à partir de celà à chaque fois que nous nous croisions nous nous faisions la bise, échangions un petit mot gentil, un sourire toujours très tendre, c'était vraiment formidable.
Un jour, alors que la fin de notre formation arrivait, je la vis se diriger vers la gare, toute seule. J'étais pour ma part dans l'école (ses murs sont en fait d'immenses baies vitrées d'un côté) au premier étage, en train de discuter avec D. et un autre "collègue". Après une demi-seconde d'hésitation je leur dis que je prenais congé quelques minutes d'eux. Puis je me précipitai dans les escaliers et sortit de l'école en courant (enfin pas comme un dératé non plus, mais je courrais...) jusqu'à retrouver Sophie au guichet de la gare en train de prendre un billet.
Moi: "euh, Sophie?"
Elle: "Oui. Mais dis donc tu passes ton temps dans la gare toi! Je t'y vois tout le temps!" (une note là, en effet j'ai croisé Sophie à plusieurs reprises à la gare, elle s'était du coup persuadé que je venais là souvent, que je m'asseyais dans les couloirs juste pour observer les gens passer)
Moi: "bah, c'est souvent une coincidence, mais enfin là en fait je t'ai vu quitter l'école et venir ici et je voulais te dire un mot. Est-ce que ça t'embête si je te donne mon numéro de téléphone? Les cours sont bientôt finis et on n'aura plus d'occasion de se voir après..."
Elle: "bah si."
Moi: "euh ben non, enfin je vois pas bien comment. Si les cours se finissent..."
Elle : "Mais si. Parce que je vais t'appeler."
Moi (surpris de sa phrase directe): "Ah? Ok... super. Et... euh, je peux avoir ton numéro aussi?"
Elle: "Oui."
Puis nous échangeons nos numéros. Je luis dis un "merci, bon ben à la prochaine alors" et retourne à l'école, très heureux d'avoir enfin ses coordonnées et surtout de ce "Parce que je vais t'appeler" que je fais tourner et retourner dans ma tête.
Pourtant je n'ose pas l'appeler moi-même, de peur qu'elle ne me trouve trop collant. Et c'est elle encore une fois qui fait bouger les choses. En me croisant dans une salle internet dans un des couloirs et voyant que je suis seul elle me dit:
"Bon on se voit quand?"
Moi: "Euh. tu veux qu'on dîne ensemble par exemple?"
Elle: "Oui d'accord, un de ces jours?"
Moi: "Oui, par exemple après-demain?"
Elle: "D'accord, on s'appelle pour confirmer?"
Moi: "Oui d'accord, j'ai une idée d'un restaurant sympa, je t'appelle pour te confirmer l'heure."
Elle: "Ok j'attends ton appel alors."
Le surlendemain je la retrouve le soir en bas de chez elle. Inutile de dire que je suis nerveux. Sa collocataire, dont j'apprendrai plus tard qu'elle est tout à fait au courant de mon amour pour Sophie (ce qui ne m'a pas dérangé en l'apprenant car j'ai pu voir qu'elle est resté très discrète et c'est d'ailleurs une fille que j'ai toujours trouvé très chouette), sort quelques minutes avant Sophie, accompagnée d'une autre amie. Puis Sophie sort et me rejoins sur le trottoir. Je suis heureux comme tout, et un peu nerveux aussi. Mais c'est mon premier rendez-vous avec une fille (oui je sais... le premier... que voulez-vous c'est ainsi) c'est donc bien normal. Le dîner se passe bien, nous sommes tous les deux très attentifs à ce que dit l'autre, assez concentrés je dirais. Moi je lui dis je t'aime avec les yeux à chaque seconde, elle me regarde en souriant. Bref, une très belle soirée.
Mais nous ne franchissons pas plus le pas. Nous restons un peu sur la défensive, et moi je me trouve toujours aussi handicapé et incapable d'avoir suffisamment confiance en moi pour engager les choses un peu plus avant. Nous nous sommes revus deux fois par la suite, juste après la fin des cours, les deux fois sur Paris, à chaque fois le soir. La première reste un excellent souvenir pour moi. Nous avons à nouveau beaucoup discuté et marché sur pas mal de kilomètres pendant 4 heures environ. A un moment, alors qu'elle m'a parlé un peu de son copain (moment difficile forcément) je lui ai posé la question:
Moi: "Sophie, je voudrais savoir ce que tu penses de moi."
Elle: "Ben... c'est clair que tu es très très intéressant. Je te trouve attachant (qu'est-ce que j'ai aimé ça...). Et... C'est vrai que j'ai eu peur de t'aimer (là il faut vous dire que Sophie n'a jamais dit à son copain qu'elle l'aimait, je crois que ce seul mot provoquait chez elle une panique totale - qu'elle me dise ça m'a donc beaucoup surpris), j'en ai parlé avec ma colocataire et elle m'a dit que je ne devais pas en avoir peur, que je pouvais t'aimer... mais je sais pas."
Moi: "Et ... maintenant tu es rassurée?" (ça voulait dire : et maintenant ça y est n'est-ce pas, tu sais que tu ne m'aimes pas?)
Elle: "Non."
Je n'ai pas relevé, ne sachant toujours pas comment faire avec une fille qui restait malgré tout avec son copain. Quand nous nous sommes quittés ce soir là, Sophie voyant que j'aurais du mal à rentrer chez moi sans prendre un taxi (ça coûte cher tout de même !) m'a proposé d'aller dormir chez elle. J'ai refusé. Je connais l'effet du soir sur certaines personnes. On devient plus miel que de nature, plus gentil, plus doux peut-être. J'ai eu peur de sa réaction du lendemain matin, en colère d'avoir eu cette idée, et me le faisant payer. Je n'aurais pas supporter ça.
La dernière fois, toujours sur Paris, s'est moins bien passée, parce que c'était la dernière. Notre discussion était toujours sur un ton aussi attentif l'un à l'autre, mais je savais ce soir là que j'arrivais au bout, que je ne pourrais plus continuer si elle ne m'aidait pas un peu à faire avancer les choses. Sophie savait que je l'aimais, que je l'aimais énormément. Elle le sentais très fort même. Mais jamais elle n'a fait la démarche de m'appeler. Jamais. Et malgré la relation qui s'installait entre nous avec nos rendez-vous, elle ne quittait pas son copain. Bref je me sentais coincé, et je savais que je ne pourrais pas faire durer beaucoup plus longtemps.
Quelques instants avant que nous nous quittions, en arrivant devant le métro qui devait nous remmener chacun chez nous, j'ai craqué. J'ai pleuré et lui ai dit: "Pourquoi tu ne m'appelles jamais? Je suis bloqué, je ne peux rien faire". "Mais je vais t'appeler." m'a-t-elle répondu. Je savais que c'était faux. J'étais terriblement triste parce que je me sentais totalement impuissant devant une situation qui n'aurait demandé qu'un mini coup de pouce pour se transformer et m'apporter beaucoup de bonheur. Après lui avoir fait la bise et m'être excusé pour mes larmes je lui dis une dernière fois: "appele-moi s'il te plaît." "Oui." Je l'ai regardé partir vers son train en me tournant le dos. Je savais qu'elle n'appelerait pas. Que c'était la dernière fois que je la voyais. Intérieurement j'étais défait, comme si je repartais de zéro avec rien en poche. Une impression de ruine. Je ne l'ai jamais revue.