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Albain est amoureux
4 janvier 2006

Histoire d'adolescence

Pour revenir un peu aux prémices de ma vie sentimentale, et comprendre mieux comment elle s’est construite jusqu’à aujourd’hui, je dois vous parler d’Anaïs, la première fille dont je suis tombé amoureux (je veux dire vraiment amoureux, je ne parle pas des simples flirts), il y a de ça un bout de temps déjà !

Anaïs et moi nous nous sommes connus au collège, en 6ème, où nous étions dans la même classe. Mais mon histoire se passe en 1ère (eh oui, je me suis intéressé aux filles assez tardivement). Nous nous connaissions un peu déjà et nous étions relativement amis, sans vraiment fréquenter les mêmes groupes de personnes toutefois. Mais en 6ème déjà et également en 3ème, elle s’était un peu rapprochée de moi. Pour être plus clair en fait, elle avait déjà souhaité « sortir avec moi » (je mets cette expression entre guillemets car je ne l’aime pas du tout, je la trouve creuse, elle veut juste dire qu’on fait comme les autres, comme « on doit faire » quand on veut être avec quelqu’un, enfin bref). En 6ème la chose avait été assez claire puisqu’au lendemain d’une « boum » chez un ami de la classe, je l’avais entendue dire à ses amies qui lui demandait si elle voulait sortir avec Alexis qu’en fait c’était moi qui l’intéressait. Mais elle ne pensait pas que je l’avais entendu le dire (non je n’avais pas l’oreille collée à la porte !) et quand elle l’a vu elle n’a pas été contente, et le lendemain elle sortait finalement avec Alexis. Peu importe, je m’en préoccupais peu.

En 3ème ce fut plus compliqué de comprendre. Un ami proche était tombé amoureux d’elle (il faut tout de même vous dire qu’Anaïs était une des filles qui avait le plus de succès chez les garçons : une fille blonde aux yeux bleus très mignonne, ça ne laisse pas indifférent beaucoup de gens – si ce n’est votre serviteur à l’époque), mais il était embêté car il ne parvenait pas à savoir s’il y avait réciprocité, et chaque fois que nous étions ensemble Anaïs nous regardait mais lui ne savait pas lequel de nous deux Anaïs regardait. Il me demandait donc régulièrement de m’éloigner de lui afin de vérifier le comportement d’Anaïs. Un jour il pensait que c’était moi qui était scruté, l’autre que c’était finalement bien lui. Puis vers la fin de l’année scolaire, n’y tenant plus, il me demanda d’agir pour lui. Je vous trace un peu la scène. Nous sommes dans le parc de l’école (et oui, c’était une fort chouette école !) lui et moi sous un grand sapin, et Anaïs est de l’autre côté d’une piste de course (pas très large), assise seule sur une table de ping pong en béton, pendant que nos amis jouent au basket sur un terrain de la piste.

Lui : tu voudrais aller lui dire ce que je ressens?

Moi : euh… oui je veux bien… mais tu es sûr que tu veux qu’elle sache ?

Lui : oui, en plus je crois vraiment qu’elle m’aime en fait, mais qu’elle n’ose pas me le dire.

Moi : bon… j’y vais alors ?

Lui : oui s’il te plaît, mais tu fais attention hein !

Moi : oui oui ne t’inquiètes pas je vais faire de mon mieux.

Je traverse alors la piste, tous nos amis qui jouent au basket me regarde puisqu’il est très clair que je vais voir Anaïs qui reste seule. Anaïs elle, me voyant arriver baisse la tête pour regarder ses chaussures. Moi je m’amuse un peu de la situation qui fait croire aux autres que je vais faire ma déclaration alors qu’il ne s’agit pas de moi. Mais connaissant mon caractère très réservé, discret et difficile à aborder, les autres doivent tout de même pas mal gamberger à ce que je suis en train de faire (je suis sûr qu’ils ont dû pas mal en parler entre eux après). Me voilà donc devant Anaïs.

Moi : salut, tu vas bien ?

Elle : oui… (toujours tête baissée, visiblement inquiète).

Moi : euh … en fait je viens de la part de X. Il m’a demandé de te dire qu’il t’aime.

Elle (éclatant de rire, mais un rire jaune) : hahaha ! C’est trop fort !

Moi : euh … alors tu en penses quoi ?

Elle : ben c’est juste un ami pour moi, rien de plus.

Puis encore elle : enfin comme toi (elle rebaisse la tête).

Moi : vraiment ? seulement un ami ?

Elle : oui… comme toi…

Moi : bon, ben je vais le lui dire, excuses-moi de t’avoir dérangée.

Elle : non c’est rien…

Je retourne alors vers mon ami, sentant confusément qu’Anaïs aurait voulu m’en dire plus ou qu’elle aurait aimé que je lui parle de quelqu’un d’autre, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Il est déçu. Rideau sur la 3ème, c’est la fin de l’année et tout le monde se quitte pour partir en vacances.

Puis vient la 1ère, et un voyage en Russie qui me restera toujours en mémoire. Nous nous voyions très peu Anaïs et moi depuis la fin de la troisième. J’étais le seul garçon à participer au voyage, il y avait avec moi deux filles de 1ère, une de seconde, et d’autres de 4ème, plus les accompagnateurs (notre professeur de russe, et un couple de parents, venant d’ailleurs sans leur progéniture car tout ce qu’ils voulaient c’était visiter la Russie en payant le moins cher possible. Je me souviens que quelques temps avant le départ, Anaïs était venu me voir et m’avait dit quelque chose dans le genre : « bon tu viens hein ! Tu dois y être à ce voyage ! ». Anaïs avait un copain à l’époque, mais dès ce jour j’ai senti qu’il y avait quelque chose de spécial dans l’air de ce petit périple.

Et tout est devenu clair très vite. Extrêmement vite même. Dès l’aéroport en France j’ai sentie qu’Anaïs voulait se rapprocher de moi et qu’elle espérait que nous passerions la plupart de notre temps ensemble. Et dès le début j’ai moi aussi ressenti cette envie d’être avec elle. Le voyage était en deux parties : d’abord Moscou chez l’habitant (j’étais le seul à loger chez des gens peu riches – enfin la classe moyenne à l’époque – 40m2 pour loger 3 personnes, une grande fille de 20 ans passés dormant dans la même chambre que sa mère, moi ils m’ont très généreusement offert le canapé de la salle à manger, un luxe), puis St Pétersbourg en hôtel (Une étoile ou l’équivalent, c’était franchement pas un palace). Dès Moscou Anaïs et moi restions sans arrêt à côté l’un de l’autre, dehors ou lors des visites des monuments, nous essayions d’être l’un derrière l’autre, ou côte à côte, peu importe si on dérangeait vaguement les autres pour ça. Nous nous regardions beaucoup, et dès les premiers soirs j’ai commencé à penser à elle en m’endormant.

Après quelque jours de cette ambiguïté grandissante, nous sommes partis pour St Pétersbourg en train (à couchette car les trains russes ne sont – en tout cas c’était vrai à l’époque – vraiment pas rapides, et cela nous a pris la nuit pour parcourir les 700 kms environ qui séparent les deux villes). Anaïs, les deux filles de notre age, et moi-même avons pris la même cabine, et les autres filles étaient réparties dans des cabines adjacentes à la nôtre. Anaïs voulant savoir ce que les autres se disaient colla son oreille quelques instants au mur de la cabine.

Nous : alors ? Elles parlent de quoi ?

Elle : ben (elle baisse un peu la tête vers son matelas)… elles parlent de moi et de Gaston.

Les filles : ah bon ? Et elles disent quoi ?

Elle : elles disent qu’elles n’aiment pas beaucoup l’atmosphère qu’il y a, que c’est super ambigu et qu’elles trouvent ça ridicule…

J’ai dû bredouiller quelque chose comme : « ah bon… »

Puis plus rien, nous essayons de nous endormir, sans succès pour ma part, le lit est très désagréable et la couverture rêche comme le dos d’un hérisson.

Le lendemain matin je suis donc dans le coltard quand les filles se réveillent, ayant assez mal dormi elles aussi. Puis, vient LE moment. Un de ceux qui conditionne beaucoup de choses pour l’avenir, et que je devais regretter très longtemps. Anaïs et moi occupons les deux lits du haut. Ils ne sont pas très éloignés car la cabine est assez étroite. Nous sommes tous les deux assis sur notre lit, regardant le mur devant nous, dans la même direction, les yeux un peu dans le vague.

Elle : je t’aime.

Moi : …

Dans ma tête (elle doit penser à son copain). Et oui je le pensais sincèrement sur le moment ! Si si je vous jure ! Je ne parvenais pas à croire qu’elle pouvait m’aimer, et j’ai même compris plus tard que ça ne la concernait pas elle exclusivement, non, je pensais qu’en fait personne ne m’aimait et ne pourrait jamais m’aimer. Malédiction…

Nous sortons alors du train, Anaïs fait la tête. Je lui propose gauchement de porter sa valise mais elle refuse un peu sèchement. Puis le groupe attend quelques instants dans la gare. Notre professeur nous dit que nous devons nous décider pour les chambres. Ce sont des chambres pour deux personnes, certaines avec lit double (en fait elles sont toutes avec lit simples). Anaïs, assises à côté de moi dit distinctement devant tout le monde (mais encore la tête basse, et sans invective aucune) : « de toute façon moi je vais dans la même chambre que Gaston. » Mais Gaston, se découvrant un cœur en rade, ne sait toujours pas comment réagir, et n’y crois toujours pas.

Par la suite, après notre retour de Russie, Anaïs a rompu avec son copain, quasiment le jour même de la rentrée. Et nous avons passé deux ans à nous chercher des yeux, moi pensant vaguement que j’avais fait une connerie (je n’en étais pas du tout persuadé malgré tout ce qui s’était passé, le « elle ne peut pas m’aimer » restant en lutte constante contre l’évidence de la situation).

Puis le lycée s’est terminé. Je n’ai jamais pu lui dire que moi aussi je l’aimais. Que je l’aimais tellement. Que je pensais à elle tous les jours. Que j’avais eu mal au cœur quand j’avais appris sa maladie au retour d’un voyage à l’étranger. Que je voudrais revenir en arrière dans ce train où je n’avais pas su prendre ce qu’elle me donnait. Que je regrettais ma peur.

J’ai eu encore l’occasion de la croiser plus tard car nous gardons des amis communs. Même une fois j’ai appris qu’elle avait demandé à des amis de m’inviter à un dîner où ils n’avaient prévu d’inviter qu’un certain groupe d’amis que je ne côtoyais pas. Ce soir là elle venait de rompre avec son copain d’alors. Et plusieurs fois dans la soirée elle dit, parlant de sa rupture : « non mais c’est pas grave de toute façon ! », toujours quand j’étais présent. Ce soir là j’avais déjà tiré un trait sur cette histoire et je n’ai donc pas réagis. De toute façon comment aurais-je pu réagir devant tout le monde ? Devant ces gens que je ne connaissais pas et qui avaient tous su quel avait été mon amour pour elle.

Mais pour autant je ne l’oublie pas. Elle reste quelqu’un d’important pour moi, quelqu’un que je serai toujours prêt à aider si un problème lui arrivait et que le hasard faisait que je pouvais être là. Je n’ai aucune amertume envers elle, seulement envers moi. Mais elle, quoi qu’il se passe désormais je l’aime, et je l’aimerais encore dans 10 ans. Pas comme lorsque nous étions au lycée bien sûr. Ce temps-là est bel et bien révolu, et encore heureux ! Je ne suis plus amoureux d’elle, mais je l’aime comme quelqu’un à qui l’on tient et à qui on pense comme ça au coin d’une rue en entrevoyant une jolie fille. Comme un souvenir chaud et doux qui me donne un sourire de joie simple lorsque son ombre croise la mienne.

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